Comme dans « le Crépuscule des Bureaucrates », le véto du 16 novembre opposé par la Pologne et la Hongrie au Plan de relance de l’UE et au Budget européen pour les 7 prochaines années, fait craindre le pire pour l’Europe pour l’année 2021 et les années suivantes ! l’UE survivra-t-elle au Coronavirus ?
Seuls ceux qui ne comprennent rien (ou très peu) à l’Europe, pouvaient avoir pris des vessies pour des lanternes et cru que le compromis du 21 juillet dernier allait assurer à l’Europe un plan de relance de 750 milliards d’Euros et un budget de plus de 1,1 trillion pour les 7 années qui viennent (voir l’annexe 3). La Slovénie vient d’ailleurs de rejoindre le camp du refus !
Le compromis du 21 juillet au Sommet européen portait déjà les germes de l’échec d’aujourd’hui :
- En revenant, avec l’accord entre le Conseil européen et le Parlement européen de la semaine dernière, sur une conditionnalité des aides européennes au nom d’un « état de droit », aux contours mal définis, et essentiellement dirigé contre la Pologne et la Hongrie, le véto était en marche ! Croire que les dirigeants Viktor Orban et Jaroslaw Kaczynski allaient céder et revenir sur ce qu’ils avaient obtenu au Conseil du 21 juillet, à savoir une conditionnalité très souple et sans effets réels, était bien mal les connaître. Avec une situation économique meilleure que celle de l’Europe du Sud (France comprise), ces Etats ne sont pas si attachés qu’on ne pense aux aides de Bruxelles et ils placent leur souveraineté bien au-dessus des questions d’argent ! Une bonne leçon pour les bureaucrates et autres Diplomates !
Même si la Pologne et la Hongrie sont toutes deux bénéficiaires majeurs des fonds de l’UE (voir annexe 1) – et sont touchées par la deuxième vague du coronavirus, ils n’ont pas de raison de céder maintenant d’autant que, avec la lenteur des procédures européennes, ils auraient de toutes les façons des délais importants avant de recevoir des fonds de relance ou du budget 2921-2027. Il y a d’ailleurs d’importants reliquats à éponger un peu partout sur les programmes précédents. Selon Zbigniew Ziobro, le ministre polonais de la justice, « il ne s’agit pas de l’État de droit, mais il s’agit en réalité d’un asservissement institutionnel, politique et d’une limitation radicale de la souveraineté . Le mécanisme proposé ne ferait que mettre en danger la démocratie et la souveraineté du peuple polonais ». Quelques jours plus tard d’ailleurs, on apprenait que la Slovénie rejoignait la Pologne et la Hongrie dans son opposition à l’accord entre le PE et le Conseil. Même s’ils ne le disent pas tout haut encore, d’autres états pourraient suivre et ne se privent pas déjà en « off » de donner raison à Viktor Orban et à Jaroslaw Kaczynski !
- Le compromis du 21 juillet ne portait que sur les dépenses et laissait dans le flou la question de savoir comment trouver les recettes pour boucler le budget. Les différentes suggestions de la Commission européennes (taxes carbones extérieures et intérieures, transactions financières, GAFA) ne recueillent que très peu de soutien, surtout aux Pays-Bas, Allemagne, Autriche et Europe du Nord. Même s’il n’y avait pas eu de veto Hongrois et Polonais, la discussion budgétaire était mal partie, avec la nécessité de ratification parlementaire dans 20 pays et la recherche de nouvelles ressources propres ! La Pologne et la Hongrie le savaient bien, en apposant leur véto, que la négociation était loin d’être finie et qu’ils avaient devant eux des mois et des mois de négociation !
Pour que le paquet de €1.8 trillion du bloc devienne une réalité, il y a encore de multiples obstacles potentiels. Tout d’abord, le budget de sept ans doit obtenir le soutien du Parlement Européen et un soutien unanime au Conseil avant de pouvoir entrer en vigueur. On est loin, sans conditionnalité pas de soutien du Parlement, avec la conditionnalité, veto des 2 pays. La décision sur les ressources propres a également besoin d’un soutien unanime au sein du Conseil, avant d’être ratifiée par les parlements nationaux des États membres. On en est très loin ! Même si une solution temporaire pourrait être trouvée au Conseil avec la Pologne et la Hongrie, les Parlements nationaux de Budapest et de Varsovie auront la possibilité de mettre leur veto sur les modalités de financement du fonds de relance de 750 milliards – ajoutant une pression supplémentaire sur les négociateurs. De l’autre côté, certains Parlements de pays comme la Finlande ont déjà indiqué clairement qu’ils ne ratifieraient probablement pas la décision sur les ressources propres si les législateurs estiment que la Hongrie et la Pologne ont reçu trop de concessions sur la question de l’État de droit. Enfin plusieurs Parlements d’Europe du Nord seront très sourcilleux sur les « nouvelles ressources propres » de l’UE , afin d’éviter qu’elles ne soient pérennes. De nombreux pays s’opposent aux taxes sur les GAFA et aux taxes sur les transactions financières.
Face à cette situation de blocage, le scénario le plus probable est :
- L’UE n’ait pas de budget pour l’années 2021 au moins. Elle devra vivre par conséquent avec le système de pis-aller des 12èmes provisoires de l’année précédente mais qui interdit toute nouvelle politique, comme la santé par exemple ! Le programme de l’Union de protection civile et de santé de 9.7 milliards d’euros, inscrit dans le plan de relance, ne serait donc pas une réalité (voir annexe 2).
- Une tentative de bricolage institutionnel pour « sauver » le plan de relance, en dehors du budget de l’UE – en tant qu’accord intergouvernemental entre les pays. Alors que les fonctionnaires de la Commission européenne avaient écarté cette voie au printemps dernier car elle serait trop compliquée et prendrait beaucoup de temps, c’est peut-être une option qui serait à nouveau explorée. Mais elle risque d’entraîner une augmentation de la part « prêts » par rapport à la part « dons », ce qui n’est pas une bonne nouvelle !
On se demande donc bien si ce n’est pas la mort annoncée pour l’Union Européenne.. comme dans le Crépuscule des Bureaucrates !
Henri Malosse
Président du Think tank TheVocalEurope.eu
Ancien Président du Comité Economique et Social Européen
Auteur de l’ouvrage : « Le crépuscule des Bureaucrates » (Éditions du Palio) qui raconte justement ce qui est en train de se passer…