La « Taxonomie », la nouvelle lubie des bureaucrates !

publié par Henri Malosse _le 3 décembre 2020_version révisée

Tandis que les Européens, inquiets et confinés, dépriment, qu’une crise économique et sociale d’ampleur inégalée nous attend au déconfinement, tandis que le plan de relance européen est bloqué par l’obstination de certains à y mettre des conditions  pour des raisons purement politiciennes et idéologiques, que fait la Bureaucratie européenne ? Elle s’est inventée un nouveau gadget, baptisé la « taxonomie», et dont nous allons toutes et tous payer l’inconséquence !

La « Taxonomie », c’est quoi ? Une nouvelle maladie ? Un nouvel impôt ?

Selon la Commission européenne, la « taxonomie » est « l’outil européen de verdissement » de l’économie. En clair, une usine à gaz pour évaluer le caractère « vert » de toute activité humaine : la manière de se chauffer, de s’éclairer, de se déplacer … Pour les acteurs économiques cela va concerner aussi tout le monde : du laveur de voitures à la compagnie aérienne, du pressing au coin de la rue au géant du BTP, de l’artisan à la grande distribution.

Elle est le fruit de l’application technocratique par les Institutions européennes de l’accord de Paris de la COP 21 (Convention des Nations Unies sur le développement durable) . Alors que sous d’autres cieux, on encourage ce qui agit efficacement contre le réchauffement climatique et contribue à préserver la biodiversité, la bureaucratie européenne entend interférer dans notre vie de tous les jours avec une démarche punitive, quitte à condamner des pans entiers de notre Economie, notamment le monde des artisans, des indépendants et des petites entreprises.

Des conséquences qui pourront aller jusqu’à un arrêt de « vie ou de mort » sur votre activité

 Comment la taxonomie va fonctionner ? La Commission européenne établit des critères pour toute activité humaine, de la plus « verte » à la plus « négative pour le climat et l’environnement ». Un système de notations qui va concerner aussi bien l’équipement ménager que le travail quotidien du berger avec son troupeau de moutons, l’exploitation pétrolière ou le fabricant de sacs en cuir. Mais la finalité de l’exercice est de décerner des bons ou mauvais points qui pourront se traduire par des labels vert ou marron avec déjà des conséquences commerciales non négligeables.  De plus, dans le cadre du « green deal », ces classifications détermineront de nouvelles normes, comme dans le cadre de la construction, qui seront établies en références aux produits et activités dîtes vertueuses.

Mais la punition pourra aller bien plus loin, comme le démontre l’exemple suivant qui m’a été donné par Luc Hendricks, Directeur à la « SME United », la Fédération européenne des petites et moyennes entreprises : Imaginons le gérant du pressing du coin de votre rue. Quand il voudra investir pour s’agrandir, son banquier d’en face de chez lui, sera obligé de lui demander, au moyen de formulaires, une évaluation de risque « environnemental », comme par exemple s’il utilise des produits au chlore et à quel taux ? Pourquoi ? Parce que l’Agence bancaire, elle-aussi, est soumise à la « taxonomie » c’est-à-dire doit indiquer au siège si ses clients ont de bons ou de mauvais points. La Banque Centrale européenne exigera donc un bilan « taxonomie » de la part des établissements bancaires ce qui contribuera à leur « rating » et donc aux par lesquelles elles peuvent se refinancer. Conclusion : le pressing du coin de la rue risque de ne pas se voir accorder de prêt ou à des conditions peu favorables s’il n’est pas assez « vertueux » , il pourra voir aussi ses  primes d’assurances augmenter pour les mêmes raisons.  Les agences bancaires et les assureurs risquent ainsi de se détourner de nombreux acteurs économiques, insuffisamment « vertueux »..

Grands ou petits, tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne !

« Selon que vous serez grands ou puissants… » . Toutes les entreprises et tous les entrepreneurs ne seront pas égaux devant la « Taxonomie ». Il faudra d’abord fournir une quantité phénoménale d’informations à son banquier, à son assureur et aux autorités pour recevoir toute forme d’aides. On voit déjà comment les administrations trouveront là un motif facile de refuser des aides ou des exonérations ! L’exercice sera relativement facile pour une grande entreprise, mais imaginons comment réagira l’épicier de quartier ou le petit artisan taxi sommé de se justifier sur tout ce qu’il fait ou achète ! Déjà harcelé par toutes les administrations, le patron de TPE/PME va, une fois de plus, devoir passer ses loisirs à remplir des formulaires et répondre à des questionnaires.

Les discriminations ne s’arrêteront pas là. On comprend bien qu’il sera aisé pour un grand Groupe de démontrer que ses activités sont bien « vertes », d’autant qu’il pourra  globaliser entre celles qui sont vertueuses et celles qui sont polluantes. Ce ne sera bien entendu pas possible pour l’agriculteur, artisan ou petit entrepreneur.

Dans l’activité de normalisation, ce sont les grands Groupes qui seront favorisés pour imposer leur «standards » comme « normes «  obligatoires !

Interrogée sur ce sujet par les organisations professionnelles, la Commission refuse de donner toute réponse, avec la double excuse de la confidentialité du sujet et des perturbations liées au COVID.

Une usine à gaz entre les mains des seuls bureaucrates.. !

Venons en à l’aspect le plus contestable de cette « usine à gaz » : Qui et comment va déterminer les critères selon lesquels vous êtes « vertueux ou pas ». Réponse : la Bureaucratie européenne !

Voici pourquoi :

Le règlement sur la taxonomie (2020/852) confie d’une manière totalement irresponsable à la Commission européenne la responsabilité d’adopter 7 actes délégués pour déterminer si une activité est durable ou de nature à causer un préjudice environnemental. Bien que le Traité de Lisbonne prévoit cette possibilité (dans son Article 290) pour « compléter ou modifier certains aspects non essentiels de l’acte législatif », on voit bien qu’on touche en fait ici à l’essentiel !

De plus, la Commission européenne est en train de préparer ces Actes dans le plus grand secret, refusant d’en communiquer les projets non seulement aux organisations professionnelles mais aussi aux Etats-membres eux-mêmes !

La plupart des secteurs professionnels s’inquiètent beaucoup de voir leurs activités considérées de manière idéologique ( automobile, aérien, gaz, produits chimiques, équipements ménagers, élevage, cuir et peaux, textiles, constructions..) sans possibilité de véritable expertise technique et sans voies de recours.

La tutelle des Etats-membres sur les Actes délégués est très faible. Il existe simplement des Groupes d’Experts pilotés par la Commission européenne ( 1 représentant par état Membre et sous Présidence de la Commission européenne) . Ces Groupes sont juste consultatifs et sans droit de vote !

Avec les secteurs professionnels ce n’est pas mieux et même on pourrait dire c’est pire ! La Commission européenne a certes consulté tous azimuts mais simplement pour demander des avis sans qu’il y ait jamais de retours. La seule consultation structurée a concerné le secteur financier au travers d’un Comité technique où siégeaient notamment la Banque Centrale Européenne et la Banque Européenne d’Investissement. Ce Comité se transforme aujourd’hui  en « plateforme de la finance durale » dont les Membres seront choisis via un appel à candidatures sur des critères très subjectifs. Le recrutement des Membres de cette plateforme, purement consultative, revient à la Commission européenne, ainsi juge et partie ! On y attend d’ailleurs de nouveau le secteur bancaire, quelques fédérations européennes de l’industrie et surtout des ONG, qui seront, sans surprise les habituelles des comités d’experts, largement subsidiées par la Commission elle-même.

En ce qui concerne la normalisation, le risque est grand aussi que la Commission européenne se passe de toute concertation. On a l’exemple du secteur de la construction, où, pour une nouvelle directive « produits de construction », la Commission européenne a mis de coté le Comité Européen de Normalisation (CEN) où sont représentés les professionnels pour confier l’élaboration de normes à des groupes d’experts choisis par elle-même. Le risque est grand, selon les organisations professionnelles, d’avoir des normes sans contenu technique ou scientifique suffisantes, ou tout simplement dictées par les grands groupes indsutriels.

Au-delà des objectifs, au demeurant louables, de « verdissement » de nos activités, la bureaucratie européenne n’a-t-elle pas trouvé là matière à assoir sa loi sur toutes nos activités, sans aucun contrôle démocratique ? ni par les Etats, ni par le Parlement, ni par les  représentants des professions, ni par les citoyens .. !

Comme l’écrit très bien Daniel Gueguen dans son Blog[1] : « la taxonomie, une mécanique orwellienne »…


[1] DanielGueguen.blogactiv.eu

Publié par HenriMalosse

Européen engagé et libre - Enseigne l'histoire de l'Europe - Chairman of TheVocalEurope -30ème Président du Comité Economique et Social Européen (2013-2015)

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