HOMMAGE à VALERY GISCARD D’ESTAING – Hommage National 9 Décembre 2020

Valéry Giscard d’Estaing , l’Homme qui ne renonça jamais !
Les hommages et les reportages sur l’ancien Chef d’Etat envahissent, à juste titre, nos écrans, ils rappellent son engagement volontaire dans la 1ère armée française commandée par De Lattre de Tassigny dès l’âge de 18 ans en 1945, ses succès militaires en Allemagne et bien entendu son accession au sommet de l’Etat et sa défaite face à François Mitterrand le 10 mai 1981.
Je préfère me tourner justement sur l’après 10 mai, car c’est dans la défaite, que l’on reconnait les grands hommes et dans l’adversité, que les caractères bien trempés se révèlent. Valéry Giscard d’Estaing fut justement celui qui ne renonça à rien !
On se souvient de son « Au revoir » aux Français médusés devant leurs postes de télévision. On jugea sévèrement ce qui ressemblait à l’attitude d’un « mauvais perdant ». Mais plus que de l’amertume, c’était en fait une maladresse qu’il se reprocha d’ailleurs pendant longtemps ! Ce n’est pas tant sa « non victoire », comme il disait, qui le chagrinait que les trahisons de ses anciens alliés.
Auvergnat avant tout,
C’est dans l’action qu’il retrouva des forces. Après une courte pause marquée par une retraite au Mont Athos, il repartit à la conquète de mandats électoraux dès l’année suivante en commençant par le plus modeste et fut élu triomphalement Conseiller général de Chamalières, son fief en Auvergne ! Il y mena campagne avec humilité sans jamais mettre en avant son passé de Président de la République, allant au contact de toutes et tous comme un candidat normal. Par la suite, il multiplia les succès politiques : Député, Président de la Région Auvergne et Président de parti.
C’est en Auvergne que je pu pour la première l’approcher directement à l’occasion d’une rencontre entre entrepreneurs européens et auvergnats dans le cadre de ce que l’on appelait alors un « Europartenariat ». Très disponible , chaleureux, attentif à chacun, charmeur avec les femmes, ce n’était pas du tout le personnage hautain décrit par les médias. Il nous expliqua avec force détails les atouts de sa Région et notamment le parc Vulcania, récemment inauguré, qui faisait toute sa fierté.
Homme de Lettres françaises
Un homme très ancré dans sa Région donc et aussi un Homme de culture puisque son autre grande fierté fut d’être admis le 11 décembre 2003 à l’Académie Française sur le siège qu’occupa précédemment Léopold Sega Senghor. Auteur de 5 Romans, Valéry Giscard d’Estaing laissait vagabonder son imagination dans des histoires sentimentales et de voyages qui nourrissaient certainement son subconscient. Raillé par la presse parisienne, notamment pour son Essai « Le Président et la princesse », il sera sans doute un jour reconnu comme un écrivain de talent, juste un peu hors du temps avec ses passions romantiques.
Mais, ne nous y trompons pas, la vraie grande affaire de sa deuxième moitié de vie fut le combat pour l’Europe..
Un Européen français
Comme il le déclara un jour « je préférerais qu’on se souvienne de moi comme un Européen français, plutôt qu’un Français européen ! ». Son mandat de Président avait été marqué par beaucoup de projets pour l’Europe, et la Grèce le considère encore aujourd’hui comme celui qui a arrimé le pays à l’Union. Sa plus grande avancée restera cependant l’élection directe du Parlement européen par les citoyens en 1979, montrant déjà l’importance qu’il attachait à l’adhésion des citoyens. Pour celui qui était né en Allemagne et avait pris part à la libération de Paris, la construction européenne n’était pas un acquis, mais un combat de tous les jours. C’est donc naturellement qu’il le reprit, non pas avec l’ambition d’y faire une quelconque carrière, mais pour, en paraphrasant Jean Monnet, « faire avancer ses idées ».
En 1989, il conduisit la liste RPR-UDF aux élections européennes qu’il remporta largement avec près de 30% des voix. Immédiatement il démissionna de l’Assemblée nationale française et choisit Strasbourg où il fut un Député européen assidu et actif. Son engagement européen dépassa très vite le cadre de la politique française et on le retrouve Président du Mouvement européen de 1989 à 1997 et Président du Conseil des Communes et régions d’Europe de 1997 à 2004. Attardons nous un instant sur cette dernière fonction qui est plus que symbolique, car il comprenait que l’Europe devait d’abord se faire d’en bas, au niveau des citoyens et des territoires.
On se souvient surtout pendant cette période de sa Présidence de la Convention sur l’avenir de l’Europe ( 2001-2004) dont il fut la figure de proue sans ménager sa peine. C’est à cette occasion que j’eus la chance de reprendre contact avec lui quand il accepta avec gentillesse de venir nous en parler alors que j’animais, avec mon ami Bruno Vever, l’association des lobbystes français à Bruxelles. Il prit vraiment beaucoup de temps pour nous tenir informés, répondant avec entrain et malice, tandis que d’autres acteurs de cette Convention, bien moins prestigieux que lui, traitaient la société civile avec le plus parfait mépris.
L’échec du référendum français sur le projet de constitution lui a été imputé, bien à torts à mon avis. Peu de place lui fut laissé pendant la campagne et son Préambule, lyrique et brillant, fut englouti dans les centaines de pages des Traités européens qui ont fait perdre à cette Constitution tout ce qui aurait pu susciter l’adhésion des citoyens. L’erreur a été celle des juristes des Institutions européennes, pas la sienne . D’ailleurs la devise, le drapeau et l’hymne, qui portaient sa « patte » ont disparu de l’ersatz de Constitution que les Chefs d’état et de gouvernement ont fait passer sans consulter les citoyens sous le nom de « Traité de Lisbonne ».
Amer, mais nullement découragé, Valéry Giscard d’Estain continuera jusqu’à ces dernières années à rêver d’Europe. Il publie à l’automne 2014 un essai intitulé « Europa, la dernière chance pour l’Europe » et me fait l’immense honneur de venir le présenter pour la première fois à Bruxelles à la Session plénière d’octobre du Comité Economique et Social Européen que je présidais à l’époque. Dans ce livre, il prend acte d’une forme d’échec de la construction européenne, regrettant le manque de résultats concrets, le peu d’influence dans le monde et le faible soutien populaire. Il fait preuve ainsi, vers la fin de sa vie,d un grand pragmatisme mais aussi d’une certaine désillusion devant ce qu’est devenu le beau projet des Pères fondateurs, abîmé par la bureaucratie et les rivalités. Mais il ne fait pas que critiquer. Il propose une nouvelle entité sous la forme d’une Confédération, réduite à un noyau dur de 12 Etats et avec des transferts de compétence importants en matière économique, fiscale et budgétaire. Sa vision est une synthèse des thèses du Général de Gaulle et de celles de Jean Monnet, alliant souveraineté des Etats, efficacité et participation des peuples.
Il reviendra à la charge avec ce projet en 2018 lors d’une visite au Parlement européen et lancera un nouveau mouvement pour incarner politiquement sa vision
Je me souviendrais toujours des paroles qu’il prononça quand il vint à Bruxelles pour me faire l’honneur de me décerner la Légion d’Honneur, la 14 octobre 2014, « Henri, vous venez d’ atteindre 60 ans, posez-vous la question de ce que vous voulez faire pour les 60 années suivantes qui vous restent ». Valéry Giscard d’Estaing, dans la deuxième moitié de sa vie, avait choisi de ne pas renoncer à construire l’Europe.
Henri Malosse
30ème Président du Comité Economique et Social Européen
