Mais à quoi sert donc la diplomatie européenne ?

Plus de 80 Eurodéputés réclament le départ de Joseph Borrel, le Haut-Représentant de l’UE après le fiasco de sa visite à Moscou (Photo credit should read JOHN THYS/AFP/Getty Images)

Mais à quoi sert donc la Diplomatie européenne ?

Un Européen qui perd la face à Moscou

La visite catastrophique du « Haut représentant de l’Union Européenne » pour la politique étrangère et la politique de sécurité », l’espagnol Joseph Borrel a mis à jour une question basique, mais à quoi joue donc l’UE ?

Monsieur Borrel s’est donc, visiblement de sa propre initiative, rendu à Moscou au début de ce mois de février pour demander la libération de l’opposant Navalny et s’enquérir des conditions de livraison du vaccin russe Sputnik 5 à l’UE ! Etrange combinaison pour une mission , surtout de la part d’un « diplomate » qui disait il y a peu que « la Russie est l’ennemie de l’Europe »

Quelques minutes après avoir rencontré le fin Ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov, qui s’était joué de lui en expliquant la séparation des pouvoirs entre Justice et monde politique russe et que pour les vaccins, étant donné le niveau économique de l’UE il devait s’adresser au Laboratoire qui les fabriquait, 3 diplomates européens étaient expulsés de Moscou pour avoir participé de près ou de loin à des manifestations pro-Navalny. Borrel était ridiculisé !


Dans une conférence de presse totalement lunaire, Joseph Borrel en fut réduit à dire qu’il voyait des « palmiers dans le désert » des relations Europe-Russie !

Depuis 3 premiers Ministres et plus de 80 députés européens ont demandé la démission de ce Monsieur Joseph Borrel

Mais posons-nous la vraie question : à quoi sert la Diplomatie européenne

Un petit rappel historique : D’où vient la politique extérieure européenne ?

Jusqu’aux années 1990, Bruxelles se gardait bien de faire officiellement de la politique étrangère laissant cette tâche aux Etats Membres, quitte à ce qu’ils se coordonnent entre eux, ce qu’ils faisaient d’ailleurs plutôt bien comme on le vérifia par exemple entre la France et l’Allemagne ou la France et le Royaume Uni .

Bruxelles était par contre très actif en matière de politique d’aide au développement vis-à-vis des anciennes colonies d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, acquérant un vrai savoir-faire et une notoriété internationales. Les programmes d’aides européens étaient appréciés et pouvaient servir de vrais leviers politiques.

Mais la chute du mur de Berlin et le conflit des Balkans ont fait croire aux dirigeants européens qu’ils devaient se doter d’un vrai embryon de diplomatie

Le traité de Maastricht de 1993 a défini dans des termes très généraux  les objectifs propres d’une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) comme un outil de coopération entre états. Dans le  même temps, l’Europe commençait  à abandonner sa politique d’aide au développement, se contentant de copier les organisations internationales comme la Banque Mondiale avec des programmes dits d’ »ajustements structurels » visant à ouvrir les économies des pays en voie de développement au commerce international et au libéralisme. Avec plus d’argent et plus d’agents, l’Europe devenait moins visible et moins concrète.

En 1997, elle se dotait d’un « Monsieur PESC » politique étrangère et de sécurité commune, en la personne du rusé espagnol Javier Solana, ancien ministre des affaires étrangères de son pays et secrétaire Général de l’OTAN. Ce dernier, fort habilement, su trouver sa place comme « facilitateur » des actions des états Membres les plus influents (France, Royaume-Uni, Espagne) et on a pu dire de lui qu’il « mettait de l »huile dans les rouages » ,quand il le pouvait, pour que les Européens prennent des positions communes. Ce ne fut pas toujours possible, mais son tact reste légendaire à Bruxelles.

Le traité de Lisbonne, ou la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf

Mais les Eurocrates n’en avaient pas assez. A l’occasion de la Convention sur l’avenir de l’Europe et du traité de Lisbonne, ils ont voulu doter Bruxelles d’une vraie « diplomatie » pour « doubler » celle des grands états. On peut y voir l’action conjuguée des petits états jaloux du prestige des diplomaties des Grands et de l’orgueil des Eurocrates de la Direction générale des relations extérieures de l’UE, frustrés de ne pas être pris au sérieux les chancelleries.

Le Traité de Lisbonne a commencé par donner des objectifs pompeux à cette simili-diplomatie :

sauvegarder ses valeurs, ses intérêts fondamentaux, sa sécurité, son indépendance et son intégrité ;

consolider et soutenir la démocratie, l’état de droit, les droits de l’homme et les principes du droit international ;

préserver la paix, prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale ;

soutenir le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d’éradiquer la pauvreté ;

encourager l’intégration de tous les pays dans l’économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international ;

contribuer à l’élaboration de mesures internationales pour préserver et améliorer la qualité de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles mondiales, afin d’assurer un développement durable ;

aider les populations, les pays et les régions confrontés à des catastrophes naturelles ou d’origine humaine ;

-promouvoir un système international fondé sur une coopération multilatérale renforcée et une bonne gouvernance mondiale.

Pour aller plus loin, Bruxelles s’est doté :

  • D’un Haut Représentant de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité , cumulant les fonctions de Président du conseil des affaires étrangères de l’UE et de Vice-Président de la Commission européenne, une sorte de chauve-souris, ne dépendant finalement ni de l’’un ni de  l’autre, finissant par être, comme joseph Borrel, un électron libre
  • D’une technocratie propre baptisée Service Européen d’action extérieure (SEAE) composée de plusieurs milliers de fonctionnaires, dont 60% des fonctionnaires européens, gens qui ne sont ni formés ni prêts à devenir des diplomates
  • D’Ambassades dans les pays étrangers pour remplacer ce qui n’étaient que des « délégations », créant la confusion avec les Ambassades des états Membres

A vrai dire cette débauche de moyens ne s’est pas traduite par de brillants résultats

Des Figurants :

On ne retiendra pratiquement rien de la première « Haute Représentante » Catherine Ashton ( 2009-2014) , si ce n’est ses absences pendant les crises internationales. Je me souviendrais de ses remontrances à mon égard quand j’ai rencontré le Dalaï Lama (ce qu’elle a d’ailleurs nié par après !)

Federica Mogherini, qui lui a succédé est arrivée avec de belles idées et du courage. Son seul « succès » diplomatique fut l’accord avec l’Iran sur le dossier nucléaire, mais vite terni par le retrait américain.

Joseph Borrel, un éléphant dans un magasin de porcelaine


Joseph Borrel est sans doute ce qui pouvait arriver de pire à l’UE comme son « Haut représentant »

Ce baron du Parti socialiste espagnol, compagnon de la Présidente du Parti, n’a jamais fait d’étincelles, même quand il fut Président du Parlement européen de 2004 à 2007. Il s’est plutôt illustré par la multiplication des scandales : fraudes fiscales de ses collaborateurs directs quand il était Secrétaire d’Etat en Espagne, conflit d’intérêts non déclarés au Parlement européen quand il était en même temps Membre d’un Conseil d‘administration d’une société espagnole dans le secteur de l’énergie à 300. 000 €uros par an. Le scandale l’a obligé à démissionner du prestigieux Institut Universitaire européen de Florence et d’être condamné à payer une amende.. mais pas empêché d’être nommé quelques années plus tard Haut Représentant

Catalan mais adversaire des Indépendantistes, il n’hésita pas un jour à dire qu’il « fallait désinfecter la Catalogne des idées autonomistes ». 

Ses premiers pas dans la « diplomatie » européenne ont été marqués par une série de bévues et de provocations, obséquieux avec les tyrans chinois et turcs, insultant vis-à-vis des USA, l’homme est le contraire de ce qu’avait été Javier Solana. Il ne met pas de l’huile dans les rouages, il souffle sur les braises

Mais, bon sang, avec la nomination d’Ursula Von der Leyen, exfiltrée de ses fonctions ministérielles en Allemagne pour cause de scandale, qu’est-ce qui a bien pu pousser les Chefs d’Etat et de gouvernement de nommer ce personnage à ce poste !

Vers une remise en cause de cette pseudo-diplomatie ?

Les faux-pas à répétition de Monsieur Borrel vont-ils remettre en cause l’idée même de diplomatie européenne ? Avec humour, les Britanniques s’opposent déjà à ce que la Représentation de l’UE à Londres bénéficie à plein du statut diplomatique.

Aujourd’hui cette coûteuse  technocratie n’a pas démontré sa valeur ajoutée par rapport à une simple coordination des diplomaties nationales de l’UE. Elle démontre même sa nuisance comme on le voit dans le cas des relations avec Moscou

Une vraie réflexion s’impose dans le cadre de la mise à plat des prérogatives de l’UE avec la Conférence sur le Futur de l’Europe qui va s’ouvrir en mai à Strasbourg : retour à la case départ avec une madame ou un monsieur PESC au service des diplomaties nationales, polarisation du haut Représentant sur un nombre de sujets limités là où les 27 partagent une position commune, dissolution tout simplement du Service SEAE ?

Toutes les options sont sur la table ! une seule devrait être immédiatement écartée serait de maintenir en l’état cette vraie fausse diplomatie, plus néfaste qu’inutile !

Henri Malosse

Publié par HenriMalosse

Européen engagé et libre - Enseigne l'histoire de l'Europe - Chairman of TheVocalEurope -30ème Président du Comité Economique et Social Européen (2013-2015)

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